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Les managers : les grands oubliés du Manifeste agile ?

Jérôme Carfantant
Jérôme Carfantant, Soat

Le « Manifeste agile » est un texte rédigé par des experts du développement d’applications informatiques sous la forme de plusieurs méthodes dites agiles. Pour Jérôme Carfantan, Coach Agile chez Soat, société d’expertise et de conseil en informatique, il ne s’adresse pas qu’aux équipes de réalisation mais aussi aux managers dont il convient de redéfinir les rôles, périmètres d’action et objectifs.

 

A première vue le Manifeste Agile tel qu’il se définit lui-même : « Manifeste pour le développement Agile de logiciels » semble s’adresser exclusivement aux équipes de réalisation. On peut donc se demander quelle place le manifeste laisse-t-il aux managers ? Comment redéfinir leur rôle, leur périmètre d’action et leurs objectifs ?

Lorsque les premières initiatives agiles émergent, le manager « traditionnel » se sent souvent mis à l’écart et comme en décalage face aux changements organisationnels qui impactent ses équipes. Cette apparente perte de contrôle peut freiner voire compromettre la bonne mise en place d’une démarche agile.

Il est donc essentiel de repenser le rôle du manager et de l’aider à trouver sa place au sein de cette nouvelle organisation, en s’appuyant sur une relecture plus « managériale » du manifeste.

En le lisant plus en détails, on constate qu’un mot clé réapparaît dans les douze principes ; il s’agit de « l’auto-organisation ». Ce concept est généralement mal compris des managers, d’où la nécessité de l’expliciter en l’inscrivant dans le contexte du Manifeste.

Manager une équipe auto-organisée

Les approches du management traditionnel ont tendance à valoriser le contrôle systématique des travaux délivrés par les équipes de développement. Elles font alors l’objet d’un suivi rapproché, au travers de processus souvent lourds et complexes, visant à diriger leur production.

A l’inverse, face à une équipe travaillant en auto-organisation, le manager doit favoriser l’émergence de processus simples et pragmatiques. Pour cela, il doit guider les équipes dans la définition d’un cadre de travail adapté, afin de gérer efficacement la circulation des savoirs et révéler les talents.

La notion de cadre est ici très importante, car il ne faut pas confondre « auto-organisation » d’« auto-gestion ». L’auto-gestion laisse à l’équipe le pouvoir de décider de tout ce qui la concerne, de sa structure à sa raison d’être, en passant par ce sur quoi elle doit travailler. Tandis que l’auto-organisation laisse les équipes s’organiser comme elles l’entendent, mais au sein d’un cadre défini pour réaliser un travail donné.

Or il est bien question d’auto-organisation dans le Manifeste agile, qui introduit cette notion au travers du principe suivant : « Les meilleures architectures, spécifications et conceptions émergent d’équipes auto-organisées »

L’auto-organisation prônée dans le Manifeste Agile suppose donc la mise en place de limites et ne peut s’effectuer efficacement qu’au sein d’un cadre. Ces limites se matérialisent au niveau de l’organisation par une vision claire et transparente. Au niveau du management, elles se concrétisent par la définition concertée d’un cadre de travail et d’objectifs définis, toujours en ligne avec la stratégie d’entreprise.

Le manager agile se trouve ainsi libérer de toutes les tâches visant à organiser le travail de ses équipes, mais doit en contrepartie endosser un nouveau rôle, avancé par le cinquième principe du Manifeste Agile : « Réalisez les projets avec des personnes motivées. Fournissez-leur l’environnement et le soutien dont ils ont besoin et faites-leur confiance pour atteindre les objectifs fixés. »

Viser la performance de l’entreprise

Si l’on extrait l’essence même des autres principes du Manifeste, on peut le résumer ainsi : satisfaire le client en délivrant régulièrement un logiciel opérationnel et à grande valeur ajoutée, favoriser la collaboration, l’excellence technique et la simplicité, en encouragent un rythme soutenable. L’ensemble étant sous-tendu par la mise en place d’une politique d’amélioration continue.

« Favoriser, encourager et soutenir » sont donc les mots d’ordre du manager Agile. Il devient un facilitateur au service d’une équipe qui doit parvenir à s’auto-organiser.

Rappelons cependant aux managers que l’objectif final n’est pas d’être Agile mais plutôt de délivrer de la valeur produit aux clients et de rendre leur organisation plus performante. Appliquer une démarche Agile ne signifie donc pas accumuler toutes les pratiques associées, mais réussir à modifier en profondeur les comportements pour influer sur la culture de l’organisation. Il faut appréhender ce changement comme une invitation à la réflexion vers une entreprise centrée sur la création de valeur.

De toute évidence, le Manifeste ne contient pas toutes les réponses pour aider les managers à intégrer ces changements. Certains d’entre eux pourront d’ailleurs être tentés d’adopter un des nouveaux frameworks Agile à grande échelle comme SAFe, LeSS ou encore NEXUS, le nouveau venu. Mais ces frameworks ne cherchent en réalité qu’à combler le manque ressenti par les managers, et comme le dit Ron Jeffries, l’un des signataires du Manifeste Agile, sur son blog :  « Si les managers et les cadres ont besoin de quelque chose pour rester occupés, ils devraient plutôt appliquer quelques principes élémentaires issus du Lean. »Les réponses sont donc peut-être à trouver du côté du Lean, système d’organisation dans lequel la plupart des approches agiles trouvent leurs racines. Au fond, l’agilité ne serait-elle pas la manière la plus Lean de développer du logiciel ?